Mise à jour
Paris, 1882
(…) Il est probable que différents peuples, parmi ceux
que je viens de citer, ont eu spontanément l'idée de cette opération,
car il est assez difficile de prouver que cet usage ait été implanté
dans l'Océanie et dans l'Amérique par les habitants de l'ancien
continent; mais on croit généralement que c'est en Asie ou en
Afrique, et pour préciser d'avantage, dans cette partie de l'Asie Mineure
qui avoisine la mer Rouge, ou dans l'extrémité Est de l'Afrique,
c'est-à-dire dans l'Égypte, que cette institution a pris naissance
au début. L'entente toutefois est loin d'avoir lieu entre les historiens,
et on discute encore aujourd'hui pour savoir si l'honneur de, cette institution
revient aux Juifs ou aux Égyptiens.
Un certain nombre d'auteurs, et entre autres Hérodote, Strabon, Diodore,
pensent que c'est en Egypte que cette coutume a pris naissance, et que les Israélites
ne la connurent que pendant leur captivité; c'est également l'opinion
de Voltaire, qui croit que cette institution a dû être imitée
par le petit peuple juif à la grande puissance égyptienne. Telle
est aussi la manière de voir à laquelle s'est rallié un
des plus illustres hygiénistes français, Michel Lévy. Malgré
l'autorité des noms que je viens de citer, on peut se demander, s'il
n'est pas plus juste de croire que cette institution est d'origine juive; ce
ne serait pas la première fois qu'un petit peuple se serait fait novateur,
ce ne serait pas non plus la première fois qu'une grande nation aurait
emprunté une coutume à une tribu qu'elle aurait vaincue.
Il est, en effet, assez étonnant, si la circoncision est bien réellement
d'origine égyptienne, que ce peuple, n'en ait laissé aucune trace
sur les nombreux monuments qu'il a élevés, et la surprise augmente
encore: quand ceux, qui semblent favorables à reporter aux Egyptiens
l'honneur de cette institution, empruntent une partie de leurs arguments à
la Genèse.
A l'autorité de Michel Lévy on peut, comme on l'a dit, légitimement
opposer celle de Malgaigne, et c'est justement parce qu'il n 'y a pas moins
de 900 ans entre le récit de la Genèse, et le moment où
vivait Hérodote, que le savant professeur de la Faculté de médecine
de Paris, dont je viens de citer le nom, était d'avis que: la circoncision
avait bien une origine juive,. Quoiqu'il en soit de l'origine réelle
de cette institution. on peut dire que c'est surtout chez les Juifs que cette
opération a été le plus répandue, car ni les Phéniciens,
ni les Amménites, ni même les Égyptiens n'en faisaient pas
une règle générale, et même chez les Mahométans,
la circoncision n'a jamais eu l'importance que les Juifs lui attribuent.
Si l'origine de la circoncision est encore pour les auteurs un sujet de controverse,
le motif de son institution est encore bien plus discuté. (…)
La circoncision est-elle significative de nationalité? - Plusieurs auteurs
anciens ont prétendu que la circoncision avait été un signe
de nationalité, et on a voulu voir dans l'ablation du prépuce
une coutume semblable à celle qu'ont encore certaines peuplades de se
faire sur le corps des marques distinctives telles que tatouages, taillades,
etc... Je citerai également dans cet ordre d'idées l'arrachement
des deux incisives à la mâchoire supérieure que se font
les Indiens de l'île de Tongo, ou bien encore l'amputation d'une phalange,
qui est encore de règle chez certains insulaires de la mer du Sud (Reclus).
Je ne me serais pas toutefois préoccupé plus longtemps de cette
première hypothèse, et je me serais peut-être contenté
de faire observer que la circoncision s'attaque à un organe habituellement
trop caché, pour y voir vraisemblablement une raison de nationalité,
si M. Élie Reclus, dans un article auquel j'ai déjà fait
allusion, n'était venu de nouveau développer cette interprétation;
aussi ai-je cru convenable de m'y arrêter un peu. (…)
Si plusieurs religions ont éprouvé de la résistance pour
s'établir, il n'en est peut-être aucune qui en ait rencontré
autant que la religion juive; on peut dire que pendant dix-huit siècles
environ cette religion a été l'objet de persécutions tant
matérielles que morales, et il est certain que la circoncision, qui est
un de ses dogmes les plus importants, a été pour beaucoup dans
les tracasseries dont les adeptes de cette religion ont été l'objet.
Ce fut surtout de la part de l'empire romain, que les Juifs eurent à
souffrir. A-t-on oublié entre autres les persécutions, le décret
de mort que rendit Antiochus, 167 ans avant J.-C., contre toutes les mères,
qui avaient circoncis leurs enfants? Trajan et.Hadrien eurent, à ce que
l'histoire apprend, à tirer vengeance des massacres que les juifs firent
dans l'île de Chypre, mais ils donnèrent à cette rébellion
la plus terrible répression. Traités relativement avec douceur
par Antonin, puisque malgré leur défaite il leur rendit la prérogative
pour la perte de laquelle ils s'étaient révoltés, les juifs
furent, paraît-il, de nouveau traqués par Marc Aurèle, qui,
pour les punir de leur turbulence, fit revivre les anciens édits d'Hadrien.
Sous le règne d'Héliogabale et d'Alexandre Sévère,
le premier, parce qu'il avait été circoncis, le second, parce
qu'il songeait à fondre ensemble les religions juive, païenne et
chrétienne, les juifs jouirent d'une paix assez longue; mais Constantin
pour les punir de leurs exactions contre les chrétiens d'Orient, non-
seulement renouvela les lois, qui avaient été rendues contre eux,
mais en fit d'autres plus sévères: tout juif qui aurait fait subir
la circoncision même à un esclave était puni de mort. Justinien,
auquel on a donné le nom de Grand, alla encore plus loin que ses prédécesseurs,
puisqu'il interdit aux juifs d'élever leurs enfants dans leurs croyances.
Autre texte de l'auteur
rapporté sur ce site: Circoncision,
modes opératoires .
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