Lettres à Tony
Mise à jour

Tony, Août 2003
Cher Monsieur,
Ma mère et mon père ne m'ont pas élevé dans la religion et ne m'ont pas circoncis, probablement compte tenu des souffrances qu'ils ont vécues dans les années 30/40 en Roumanie et en France.
Fort du fait de ne pas être circoncis, à ce jour et à 40 ans, pour des raisons que j'explique ci-dessus, je suis actuellement dans une situation dans laquelle je suis Juif pour les xénophobes et non Juif (supprimé du peuple) pour les Juifs.
Me sentant la nécessité de respecter le choix de mes parents et ne désirant pas me faire circoncire pour différentes raisons :
- Ma femme aime bien mon sexe tel qu'il est
- Je ne souhaite avoir le bout du sexe qui frotte et m'irrite dans mon slip
- Je me sens l'objet d'un chantage
- Je ne vois pas l'intérêt de pratiquer un rite initiatique car je suis déjà construit et que mon identité est Français, Laïque, et Juif (pour certains).
Pensez-vous que tout cela soit tolérable, et en particulier que le Judaïsme engendre des hommes à identité variable?
Pourriez vous m'aider à connaître quelle est la position des sages à ce sujet? ; et ainsi me permettre de prendre la décision de sortir définitivement de mon peuple dont les traditions me sont chères ou y rester sans me faire circoncire?
Merci pour votre compréhension,
Bien à vous,
Tony
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Cher Tony.
Je ne saurais vous dire la position des Sages à ce sujet, car il y aura toujours un plus "Sage" qu'un autre pour vous rejeter encore plus loin, ou vous couvrir avec la mansuétude qui convient à un homme écarté par ses propres parents de son héritage.
La position biblique est claire. Tout incirconcis est "retranché" du peuple. C'est à dire écarté, non par les hommes mais par D.ieu lui-même, avec une punition du même ordre dans un au-delà futur s'il meurt incirconcis.
Voici pour le pied de la lettre.
Mais auparavant, remarquons que ce n'est pas votre prépuce qui vous met "dans une situation dans laquelle je suis Juif pour les xénophobes et non Juif (supprimé du peuple) pour les Juifs", mais votre militantisme apparent pour ce prépuce et d'autres je ne sais quoi.
Vous êtes apparemment une victime de la Shoah. Non pas des milices nazies ou apparentées, mais victime de victimes de la Shoah. Des juifs marqués jusqu'au fond d'eux-mêmes, et qui parachèvent l'œuvre nazie en ôtant au Peuple Juif ses enfants, quinze ans encore après la chute de l'oppresseur, et cinquante huit ans plus tard encore.
Vous n'êtes pas le seul. D'aucuns ont déjà fait le chemin vers l'avant, en rejoignant la communauté. D'autres ont plongé dans le piège de l'assimilation, persuadés fuir dans la république laïque et égalitaire un judaïsme qu'on leur jettera à la tête tôt ou tard, ne serait ce par le questionnement de leurs propres enfants.
Votre situation est celle que nos sages qualifient "d'enfant volé". Un enfant qui a été maintenu hors de la tradition juive par une éducation donnée par des gens non au fait du judaïsme. Mais un jour l'enfant "volé" se réveille, se pose des questions. Rabbi Akiba lui-même à commencer à se poser des questions à l'âge de quarante ans, avant de devenir "Rabbi" Akiba. C'est apparemment votre situation.
Considérez que la question de la circoncision n'est qu'un détail dans votre démarche. Vous n'êtes pas fait, mais vous êtes un "devenir". Il vous incombe de parcourir tout l'apprentissage du judaïsme avant de décréter qu'il faut le quitter. Avant, vous n'êtes qu'un ignorant, qu'une victime, qu'un enfant tout juste né, quelle que soit votre position sociale, votre réussite matérielle ou familiale.
Au bout de ce chemin, la question de la circoncision se résoudra d'elle-même.
Amical Chalom.
Je peux vous en dire bien plus, mais ma première étape passe par là.
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Tony
Cher Monsieur,
Il se trouve que vous ne répondez pas à mes questions, ce qui me semble être de bonne "guerre".
Seule la compagnie de votre Dieu qui vous demande de l'adorer jalousement et qui vous illumine vous permet de me répondre ainsi.
Hors de la pensée scientifique et de la pensée magique qu'il me semble vous voir subir, l'éternité n'est pour moi ni au-dessus de nos têtes ni conditionnée par une vie au service d'une icône abstraite.
Il s'agit d'un moment, un simple moment d'éternité que nous traversons parfois et non la soumission et ses dérives bien connues chez l'homme qui le poussent vers la frustration, la domination, la soumission à nouveau...
Un jour, un Juif religieux m'a dit :
- S'il y a eu la Shoah, c'est à cause de personnes comme vous qui avez trahi notre Dieu.
J'ai eu la gentillesse de ne pas lui tirer la barbe et de ne pas lui mettre mon poing sur la figure car là est la frustration dont je parle ci-dessus.
Vous savez, cher Monsieur, le présent est important car si le présent est éternel, c'est peut être parce que l'éternel est présent; alors vous savez, le monde futur...
Encore merci pour votre réponse, intolérante toutefois face à la souffrance de mes parents et de tous mes ancêtres.
Bien à vous,
Tony
Cher Tony.
Ainsi, je ne vous ai pas répondu?
Je dois avouer ne pas voir dans votre discours une réponse ou une remarque adaptée à ma réponse.
Je ne considère pas mon texte comme une offense à vous ou à vos parents et de façon plus générale à tous ceux qui ont subi l'oppression au travers des générations, et je ne retire pas un mot de ce que je vous ai écrit. J'ai plutôt l'impression d'avoir tenté le dialogue avec eux et vous, et avoir reçu votre linge sale à la figure, ce qui est peu convaincant de votre part. (…)
Je me demande si votre discours n'était pas prêt à l'avance, une espèce de come back de vos rancœurs contre le judaïsme tel que nos ancêtres l'ont reçu et perçu, jusqu'à ce que vous décidiez le contraire. S'il y a intolérance, c'est dans votre réaction de refuser de vous mettre au niveau de cette lettre que vous m'avez demandée.
Cher ami, et même ce "cher ami" je n'y renonce pas, je vous le redis:
Votre situation est celle que nos sages qualifient "d'enfant volé". Un enfant qui a été maintenu hors de la tradition juive par une éducation donnée par des gens non au fait du judaïsme. Mais un jour l'enfant "volé" se réveille, se pose des questions. Rabbi Akiba lui-même à commencer à se poser des questions à l'âge de quarante ans, avant de devenir "Rabbi" Akiba. C'est apparemment votre situation. Considérez que la question de la circoncision n'est qu'un détail dans votre démarche. Vous n'êtes pas fait, mais vous êtes un "devenir". Il vous incombe de parcourir tout l'apprentissage du judaïsme avant de décréter qu'il faut le quitter. Avant, vous n'êtes qu'un ignorant, qu'une victime, qu'un enfant tout juste né, quelle que soit votre position sociale, votre réussite matérielle ou familiale. Au bout de ce chemin, la question de la circoncision se résoudra d'elle-même.
Le "dialogue" peut se poursuivre, s'il y a dialogue.
Amical Chalom.
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Tony:
Monsieur,
Il ne s'agit pas plus de mon linge sale que le vôtre, mais de transparence.
L'intolérance que je vois dans vos propos, c'est l'enfant volé; mais par qui?
Mes parents seraient t-ils des voleurs?
Quant à mes amis à qui j'ai redirigé le mail, c'est pour qu'ils m'accompagnent dans ma démarche, on a pas besoin de se faire admirer par des amis qui ne sont d’ailleurs pas des célébrités. D’ailleurs, je vous invite aussi à transmettre cette conversation à qui vous voudrez.
Sachez, cher monsieur que j'ai de l'amour pour les traditions du judaïsme mais de la rancœur pour les religions, Judaïsme, Christianisme, Islam.... dont l'inertie ne permet pas d'en sortir indemne quand on prend naturellement et pour des raisons que l'on ne peu pas condamner, le chemin de la laïcité.
Autre chose, je ne cherche pas à vous "descendre" mais à grandir, et certainement pas sur votre dos mais avec vous si vous en êtes capable et avec mes amis.
Me mettre au niveau de votre lettre; je tente de le faire et c'est justement parce que je lis la Thora et c'est bien ce que vous me proposez en ce moment que je me permets de vous poser des questions.
Pourriez vous me dire par qui j'ai été volé?
Voilà une question sur laquelle nous pourrions établir un dialogue plus serein.
Bien à vous
Tony
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Cher ami,
Votre situation est celle que nos sages qualifient "d'enfant volé".
Vous n'êtes pas un enfant volé, mais dans la situation de ce que nos Sages décrivent "un enfant qui a été fait captif et élevé parmi les non juifs. C'est à dire
Un enfant qui a été maintenu hors de la tradition juive par une éducation donnée par des gens non au fait du judaïsme. Mais un jour l'enfant "volé" se réveille, se pose des questions.
C'est effectivement votre situation.
Vous vous décrivez comme dans une situation en porte à faux, où votre attrait (amour) pour certaines traditions du judaïsme est contrebalancé par des enseignements de la tradition ou des comportements qui vous sont étrangers voire rédhibitoires.
Ce sentiment est souvent renforcé par une hostilité à des images ou des personnages ayant symbolisé vos approches personnelles.
Vos parents ne vous ont pas "volé".
Etant eux-mêmes certainement écartés de la tradition juive depuis bien longtemps, ils n'ont fait que vous transmettre les images positives, ou négatives qu'ils se sont forgés eux-mêmes.
Nous savons bien que si nombre de rescapés d'Europe de l'Est s'abritent derrière la Shoah pour justifier leur "absence" de religion, ils sont pour la plupart de milieux ayant déjà fui la synagogue avant guerre.
Vous êtes un "devenir". Il vous incombe de parcourir tout l'apprentissage du judaïsme avant de décréter qu'il faut le quitter. Avant, vous n'êtes qu'une victime, qu'un enfant tout juste né, quelle que soit votre position sociale, votre réussite matérielle ou familiale. Au bout de ce chemin, la question de la circoncision se résoudra d'elle-même.
Est ce plus clair ainsi?
Amical Chalom
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Tony:
Bonjour,
Merci de ne pas m’appeler ami mais juste Tony, l’amitié est une valeur qu’il ne me semble pas devoir galvauder.
Votre discours me paraît désormais plus simple et plus adroit.
Toutefois, avant la Shoah, il y a eu les pogroms, et avant les pogroms, d’autres souffrances.
Pourriez vous me dire en quoi vos propos divergent du pari de Blaise Pascal sur le fond?
Bien à vous,
Tony
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Cher Tony,
Le Peuple Juif a effectivement subi bien d'autres souffrances que la Shoah. La Torah nous enseigne que le premier exil et la première oppression furent le séjour de nos ancêtres en Egypte, quelques 400 ans. Ce fut une oppression physique qui ne se limita pas à l'esclavage et les travaux forcés. Ce fut aussi une oppression spirituelle. Ce premier exil contient, selon l'enseignement de nos Sages, tous les composants des exils et oppressions ultérieurs: La Perse, la Grèce, Rome, la dispersion en Occident ou en Terre d'Islam, les croisades, pogroms, jusqu'aux terribles évènements des années 40.
Et pourtant, on retient que nos ancêtres furent délivrés d'Egypte parce qu'ils avaient gardé "leurs noms (hébreux), leur langage (la langue certes, mais surtout un langage propre et respectueux), leur vêtement (et là il ne s'agit ni de la djellaba ni du shtreimel, mais d'un vêtement décent, qui les rendait reconnaissables dans un pays aux mœurs déliées). D'autres rajoutent "parce qu'ils avaient gardé la Brit Milah".
De l'Egypte, de la Perse, la Grèce, Rome, il reste de splendides cailloux, des modèles d'art et d'architecture, quelques parchemins. D'égyptiens, de perses, de grecs ou de romains, il ne reste pas. Les égyptiens d'aujourd'hui, les perses d'aujourd'hui, etc. sont en rupture totale de passé. Mais ce petit peuple, vous et moi, qu'ils ont voulu mettre au pas est toujours là. Avec sa "culture", je dirai plutôt sa continuité religieuse, sociale, historique.
Permettez-moi de voir dans cette continuité, serait elle en dents de scie, une preuve de la bénédiction divine exprimée dans la Bible. Une preuve tout court qu'il y a un D.ieu qui veille sur nos ancêtres, sur vous et moi.
Le pari de Pascal porte sur l'existence de D.ieu!
Pour nous il n'y a pas ce pari. La seule incertitude est de savoir si moi, mes enfants, les enfants d'Israël, sommes suffisamment reconnaissants envers ce D.ieu qui nous a permis d'arriver jusqu'à ce jour.
Nous sommes les enfants de ceux qui ont choisi en des périodes troublées de rester en phase avec l'héritage du Sinaï. De rester juif, hébreu, face aux égyptiens, perses, grecs, romains, missionnaires chrétiens ou islamiques. Notre mission est d'être les pères des juifs de demain, et notre moyen est le même: garder notre héritage, le réclamer si on ne l'a pas reçu de la façon adéquate.
Amitiés.
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Bonjour Aharon,
Votre réponse ne me convient pas car le pari de Pascal pose la question du paradis chrétien et non simplement celle de Dieu.
De plus le peuple Juif n’est pas le seul peuple à avoir survécu. Prenez par exemple les peuples d’Amazonie, voire de Chine...
Est ce le même Dieu qui veille sur eux, eux qui ne sont pas circoncis?
Bien à vous,
Antoine.
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Cher Tony,
Sur le pari de Pascal, je ne discuterai pas, ce n'est qu'un très lointain souvenir d'écolier. D'autant que pour nous, la certitude c'est D.ieu, et de là ses promesses.
On raconte l'histoire de cet homme qui rencontre un jour un de ses vieux amis, bien triste.
"Toute ma vie j'ai essayé de devenir quelqu'un. Je n'ai pas réussi. Je ne suis rien!"
Et l'autre de répondre: "franchement, je t'envie. Moi j'essaye de longue date d'annuler ce sentiment de MOI que je ressens du lever au coucher, de soumettre mon corps et mon âme à la Volonté de D.ieu, d'arriver à percevoir que je ne suis rien. Et je n'y suis pas arrivé"
Le spécifique de notre longévité est dans la survie du Peuple Juif avec ses valeurs spirituelles d'origine. Je ne crois pas que les Indiens d'Amazonie soient héritiers de ces civilisations antiques, les Chinois peut être.
D.ieu, qui veille sur le monde entier n'a pas demandé à ceux là d'être circoncis, de faire Chabbath, de manger cacher, de jeûner à Kippour etc.…
Il a donné aux peuples une loi globale, dite "Lois des Fils de Noé", et à nous deux, 613 commandements, sur le Mont Sinaï. C'est mon héritage, c'est le vôtre. Une étude de marché vous montrerait qu'avant de brader l'héritage, il vaut mieux ouvrir le coffre.
Amitiés
+++++
Tony:
21 août 03
Bonjour,
Alors allons-y!
Auriez vous la gentillesse de me faire parvenir la bibliographie (en français ou en anglais) des commentaires sur ce qui concerne Brit Milah.
Merci d’avance
Bien à vous,
Tony
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Cher Tony,
Votre demande vient à point nommé me rappeler que je n'ai pas de chapitre de bibliographie francophone sur le sujet dans mon site. (C'est fait depuis…)
Tout est donc à inventer…
1 En premier lieu … mon propre livre sur la circoncision
Véyikaré Chémo - Recueil sur la naissance et la circoncision. publié aux Editions Gilwern.
Mais qui ne prêche qu'un public convaincu, et a pour but d'expliquer le déroulement de la cérémonie, ses lois, ses coutumes. J'y cite brièvement quelques opinions de nos Sages, et plusieurs anecdotes sur la circoncision. Ce livre, très recommandable, n'a pas été écrit pour vous….
2 Dans le même ordre d'idées, le livre du Rabbin Aimé Atlan sur la circoncision.
Mais les meilleures idées sur le fond, se trouvent dans d'autres ouvrages:
3 "Oui, je fais circoncire mes enfants" de Moché Catane, fascicule édité en 1977 par l'Agence Juive.
4 Dans "la Torah Commentée" du Rabbin Munk, volume 1, chapitre 17.
5 "Le Livre des 613 Commandements" (Sefer Ha'hinoukh), page 7.
6 La position de Maïmonide sur la circoncision dans "le Guide des Egarés", chapitre 49.
7 L'introduction de Maïmonide à son Code de Lois.
Ces trois derniers passages sont cités brièvement dans mon livre.
Je n'ai pas en tête pour l'instant d'autres références sur la circoncision.
Amical Chalom
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Tony
Bonjour,
Si vous avez vents d’autres littératures, je vous remercie de me tenir au courrant.
Merci pour votre temps,
Je reviendrais vers vous si vous avez encore la gentillesse de bien vouloir répondre à mes futurs e-mails concernant les commentaires.
Bien à vous,
Tony
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Aharon Altabé
www.milah.fr