Octobre 2006.

Brit Milah et anesthésie.

Anesthésier un enfant pour une Brit Milah?
L'idée pourrait paraître saugrenue à un habitué des circoncisions rituelles.
Encore faut il distinguer entre l'anesthésie et l'antalgie. Alors que l'anesthésie vise à supprimer la perception douloureuse, l'antalgie vise à rendre cette perception non ou moins douloureuse. Un peu la différence entre le comprimé XXX qui soulage la douleur, et l'injection qui rendra l'arrachage de la dent non douloureux.
Toute pratique médicale d'aujourd'hui se doit de passer par une évaluation. On dénombrera les avantages et les inconvénients de telle technique, on comparera les apports de telle pratique par rapport à d'autres procédés déjà en usage et validés.
Considérons par exemple la circoncision d'un adulte. Converti ou revenu tardivement au judaïsme, tel jeune homme (ou moins jeune) nous est présenté pour circoncision. Il craint la douleur, mais sait qu'il doit passer par cette initiation. Il est de notre devoir de lui proposer la technique la plus adaptée à son cas: anesthésie locale ou loco régionale pour un adulte costaud et motivé, anesthésie péridurale ou générale pour un grand enfant ou un adulte craintif, pratiquée en milieu chirurgical par un homme de l'art. Dans les heures suivant la Brit Milah, un antalgique simple suffit à calmer les douleurs qui peuvent se présenter. Il m'est arrivé plus d'une fois d'apprendre que mes grands "initiés" se sont rendus au travail dès le lendemain ou ont repris leurs cours. D'autres sont partis visiter la Tour Eiffel. La persistance de douleurs doit faire craindre un hématome sous la cicatrice ou un début d'infection, et doit être traitée de la façon adéquate. Intérêt de l'anesthésie ici: un adulte calme, ne bougeant pas lors des gestes de section, d'hémostase, de suture, un opérateur travaillant dans le calme, sans cris ou mouvements intempestifs qui nuiraient à la précision du geste.
Un jeune enfant de quelques années nous est présenté pour circoncision.
La meilleure solution est pour lui une anesthésie générale, pratiquée en milieu chirurgical, et par un homme de l'art, cela va sans dire. Si le réveil anesthésique est parfois spectaculaire, l'intervention ne s'en déroule pas moins dans des conditions idéales pour l'opérateur. Les tentatives d'intervention sous anesthésie locale me semblent délicates, car même correctement anesthésié localement, l'enfant est perturbé par les visages nouveaux qu'il voit, craint, pleure, se débat, et le bénéfice des injections locales s'estompe derrière l'agacement des parents, les regards réprobateurs du corps paramédical qui ne comprend pas ce que l'on veut de cet enfant. Même maintenu par Rambo (pardon, Samson…) l'enfant bouge à chaque geste (section, coagulation, sutures chirurgicales …) et en rend la portée imprécise. Bref, à réserver aux situations extrêmes, au fond des steppes russes.
Une injection anesthésique sus pubienne peut parfois atténuer la douloureuse surprise du réveil, et le relais sera vite pris par des antalgiques adaptés.
Une anesthésie locale non injectable (produit xxx) est disponible. Il semble qu'elle soit surtout indiquée dans cette tranche d'âge comme une préparation à l'anesthésie injectée, et ne soit pas suffisante pour couvrir la totalité des gestes opératoires.
Inconvénients: ils ne sont pas liés à la circoncision mais à l'anesthésie.
Anesthésie générale: allergies, défaillance cardio respiratoire, risques liés à l'intubation éventuelle.
anesthésie péridurale: autant d'inconvénients.
anesthésie locale: une anesthésie trop locale cause un œdème, des petits hématomes sous cutané, qui peuvent parfois gêner l'opérateur, et être source d'infection.

Cas plus classique d'un nourrisson de quelques jours à quelques mois.
Rappelons brièvement le déroulement d'une telle circoncision selon les usages de la communauté juive.
La Brit Milah dure en effet quelques secondes, moins de temps qu'il n'en faut pour une ponction veineuse, ou une prise de sang capillaire au talon, pour un "confort de travail" relativement simple, assuré par les mains du "Sandak" (parrain) qui maintient l'enfant sur un coussin, et une solution sucrée administrée par un assistant.
Le temps hémostatique est assuré par une compression manuelle puis un pansement modérément compressif (mèche de 2 cm), complétés pour certains par divers pansements ou solutions hémostatiques. L'absence de sutures chirurgicales, dans cette tranche d'âge, raccourcit considérablement la durée de l'intervention, et le besoin d'un recours à l'anesthésie.
L'enfant est ensuite rendu à sa mère qui donne tétée ou biberon dans une pièce à l'écart, et bébé recouvre habituellement son calme en quelques minutes.

Une anesthésie par voie générale est ici sans objet. Elle nécessite un appareillage lourd, une structure d'hospitalisation (hôpital de jour pour chirurgie ambulatoire selon la taxonomie française). Elle génère (à juste titre) une angoisse parentale, un risque iatrogène, un coût social, sans apporter aucun bénéfice technique.
Les descriptions de circoncisions médicales, effectuées en structure hospitalière ne sont guère encourageantes, ni quant à leur technique (usage d'appareils divers, Gomco, Plastibell ou clamps) ni quand à leurs durées et scores douloureux, ni par leur suites opératoires.
L'anesthésie locale par injection sous cutanée du prépuce, ou sus pubienne, est de réalisation délicate chez un nouveau né. Elle rallonge le temps opératoire, et est elle même source de douleurs inutiles dans le processus de la Brit Milah.
L'anesthésie locale par application d'une crème est plus facile, indolore. Il reste à prouver qu'elle est efficace dans le processus de la Brit Milah, c'est à dire que l'enfant crie moins. Elle doit être utilisée de façon certaine chez des enfants de plus d'un mois ou deux, voire jusqu'à six mois pour les circoncisions pratiquées selon la méthode traditionnelle, mais je n'ai pas l'habitude de l'appliquer en néonatal, d'autant que j'ai constaté parfois des oedèmes qui modifient les rapports anatomiques et sont sources d'hyperhémie et de saignement..
Aucune étude n'a été réalisée sur ses effets en circoncision néonatale selon la technique traditionnelle.
Plus facile, plus souple, plus rassurante, moins voyante reste la méthode traditionnelle de l'eau sucrée, dont l'efficacité antalgique a largement été démontrée par diverses études médicales.
Il ne semble pas souhaitable de modifier la pratique traditionnelle des Mohalim au profit de méthodes qui perturberaient le bon déroulement des circoncisions rituelles.

contacter Aharon Altabé
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