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La vie en Union Soviétique
n’était pas facile pour Yane Krichevsky. Comme son père était déterminé à ne
pas travailler Chabbat, il devait se contenter de petits travaux au noir, ne
sachant ainsi jamais d’où proviendraient ses prochains revenus.
Souvent Yane allait manger chez des amis, les Belenitzsky : le père était comptable
dans une usine et parvenait à ne pas travailler Chabbat car il restait tard
le jeudi soir et se présentait tôt le dimanche matin.
Enfant, jamais Yane n’entra dans une synagogue à cause du danger que cela représentait
mais sa mère avait engagé un professeur particulier qui venait à la maison lui
enseigner les bases du judaïsme. Elle le payait en nature, avec un peu de nourriture
qu’elle parvenait à obtenir.
Par contre, Yane obtint de bons résultats dans ses études générales. Comme il
épousa une jeune fille juive de Samarkand, il apprit que la vie juive dans les
républiques soviétiques d’Asie Centrale y était plus facile.
Bien que les Juifs ne soient pas autorisés à pratiquer leur judaïsme en public,
ils y couraient moins de dangers. Yane s’intégra bien vite dans le style de
vie Loubavitch qui était chaleureux et organisé. Il aimait particulièrement
les réunions ‘hassidiques, où les chants succédaient aux histoires, les explications
profondes aux résolutions aussitôt mises en pratique…
Pour la première fois, il rencontrait des Juifs dont toute l’existence était
vouée au désir de mieux servir D.ieu. Pour eux, la prière était un moment privilégié,
les mots n’étaient pas récités machinalement mais chacun avait une signification
profonde et était murmuré avec ferveur, comme un joaillier enfile des perles.
Par ailleurs, Yane réussissait dans les affaires. Il possédait maintenant de
nombreuses usines et y employait les Juifs désireux de ne pas travailler Chabbat.
Comme les Belenitzsky, il ouvrit sa maison pour aider ceux qui étaient dans
le besoin. Il y eut des époques où le sol de sa salle à manger était couvert
de matelas… Son épouse préparait de la nourriture cachère pour les détenus dont
le seul crime avait été de répandre le judaïsme en enseignant clandestinement
la Torah.
Comme il dirigeait de nombreuses usines qui fonctionnaient bien – ce qui était
rare sous le régime communiste – il avait beaucoup de relations haut placées.
Mais il était aussi étroitement surveillé.
En distribuant généreusement pots-de-vin et vodka de luxe, il parvenait à continuer
ses activités plus ou moins légales.
A la naissance de son second fils, Yane fut immédiatement averti par les autorités
locales : «Si tu fais circoncire ton fils, tu seras immédiatement envoyé en
Sibérie pour dix ans !» Yane refusa de se laisser impressionner ; il affirma
qu’il respecterait leur recommandation mais qu’il avait tout à fait le droit
d’inviter parents et amis pour fêter la naissance.
Avec son épouse Ra’hel, ils invitèrent famille et amis, tous membres de la communauté
‘hassidique. Pour ne pas éveiller de soupçons, ils invitèrent également M. Spiegel,
un officier de haut rang du gouvernement ouzbek à Tachkent – qui se trouvait
être juif.
Alors que la fête battait son plein, Yane servit à Spiegel un grand verre de
vodka. Puis un serveur lui en proposa un autre et un des convives le défia d’en
boire un troisième. Il ne lui en fallait pas plus pour s’écrouler, complètement
ivre.
On put donc célébrer tranquillement la Brit Mila ! Les Krichevsky donnèrent
à Rav Shmaya Marinovsky – un ‘Hassid remarquable par sa piété et tenu par tous
en très haute estime – l’honneur d’être le Sandak, celui qui tenait le bébé
sur ses genoux pendant la cérémonie.
La longue barbe blanche de Rav Marinovsky était humide de larmes de joie pour
cette immense Mitsva : un enfant juif entrant dans l’alliance d’Avraham grâce
aux efforts et au dévouement de ses parents ! Si Spiegel reprenait ses esprits
trop vite, Yane risquait d’être envoyé en exil pour longtemps.
Comme le veut l’usage, l’enfant reçut à cette occasion officiellement son prénom
juif, en l’occurrence Matitiahou, en hommage au héros de l’histoire de ‘Hanouccah,
le grand prêtre qui se leva contre l’oppresseur gréco-syrien et qui remporta
la victoire.
Tandis que la foule se dispersait, Spiegel se réveilla soudain et demanda, en
pointant du doigt Rav Marinovsky : «Qui est cet homme saint ?» Inquiets que
Spiegel ait soupçonné quelque chose, les convives expliquèrent qu’on avait l’habitude
de demander à un homme âgé et respectable de tenir le bébé et de le bénir.
L’officier communiste déclara : «Je veux m’incliner devant lui et embrasser
sa main !» Rav Marinovsky trembla et pâlit, craignant le pire pour Yane et sa
famille. Nul n’osait imaginer les conséquences de cette «fête».
Quelques temps plus tard, Yane se rendit au bureau de M. Spiegel à Tachkent.
Il voulait en avoir le cœur net : Spiegel l’avait-il dénoncé aux autorités,
ce qui aurait pour effet de mettre toute la communauté juive en danger ?
Au cas où… Yane avait apporté quelques «menues marchandises» qui pourraient
acheter les faveurs de n’importe quel officier corruptible.
Mais il n’y avait plus de pancarte au nom de Spiegel sur la porte de son bureau.
Ni ailleurs dans tout le bâtiment. En Union Soviétique, ce genre d’incident
signifiait que la personne avait probablement été arrêtée.
De plus en plus inquiet, Yane procéda à sa propre enquête : les autorités soviétiques
avaient-elles découvert que Spiegel avait assisté à une circoncision rituelle
? Yane et sa famille seraient alors inquiétés bien vite.
Mais à sa grande surprise, il apprit que Spiegel avait pris sa retraite «pour
raisons de santé». Yane décida de lui rendre visite chez lui. Quand Yane retrouva
Spiegel, celui-ci lui expliqua qu’il avait été très impressionné par le fait
que des Juifs soient prêts à tout pour maintenir vivace leur judaïsme et qu’il
avait décidé de mettre un terme à sa carrière pourtant si prometteuse afin de
retourner à ses racines juives.
David Zaklikowski www.chabad.org - traduit par Feiga Lubecki
http://www.loubavitch.fr/pages/pdf/2010_16.pdf
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