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Une grand-mère
refuse de porter son petit-fils incirconcis
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Mise à jour
le
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Circoncire un enfant âgé
de huit jours était considéré par la loi communiste comme
un acte de "coercition religieuse". L'enfant ne pouvant s'opposer à cette
opération faite sans son consentement, la circoncision ne pouvait être
qualifiée autrement. Par contre si un adulte pratiquait la circoncision
sur lui-même, tout devenait diffèrent, car cela restait un acte
privé qui ne constituait pas une infraction à la loi.
Il fallait donc attendre, si l'on ne voulait pas risquer d'encourir les foudres
de la loi, que le garçon ait dix-huit ans, âge où il est
considéré comme adulte responsable de sa décision en la
matière.
Je me souviens d'une femme déjà âgée qui était
devenue grand-mère d'un petit garçon. Un jour, elle déclara
à son fils que s'il ne faisait pas circoncire son petit-fils elle se
refuserait à le reconnaître, voire même à le toucher,
car elle ne pouvait en aucun cas songer à prendre un enfant incirconcis
dans ses bras.
Le fils en fut très peiné, et c'est avec respect qu'il lui répondit
qu'elle avait le droit d'agir comme bon lui semblait, mais qu'elle seule serait
responsable des conséquences de ses actes.
Quelque temps après cette conversation, les parents partirent pour leur
congé annuel laissant leur enfant à la garde de sa grand-mère.
Celle-ci se hâta de trouver un Mohel qui procéda à la circoncision
de son petit-fils.
Lorsque son fils revint de vacance et trouva l'enfant circoncis, il fut pris
de panique à l'idée que la chose soit découverte à
l'occasion de l'une des nombreuses visites obligatoires au dispensaire. L'infirmière
n'hésiterait pas à le dénoncer à la police. II décida
de prévenir le danger en livrant sa mère aux autorités
et en déclarant qu'elle avait agi contre son accord. Elle fut donc arrêtée,
et il porta plainte contre elle pour "coercition religieuse" à l'encontre
d'un enfant sans protection.
L'ironie
du sort voulut que le juge qui instruisait l'affaire fut lui-même juif.
"Comment as tu pu faire subir une telle infirmité à cet enfant?"
demanda le juge avec un air courroucé à la veille femme. Celle
ci, nullement désappointée, lui répondit sur un ton moqueur:
"Toi aussi tu es juif. Sûrement, tu dois être atteint aussi de cette
terrible meurtrissure".
Cette femme courageuse qui tenait tête devant le juge poursuivit: "Regarde,
bien que tu sois circoncis comme un juif cela ne t'a fait aucun mal et ne t'a
pas empêché de vivre comme un non-juif parmi les non-juifs. Tu
as pu te conduire comme eux sans aucune difficulté. C'est pourquoi je
soutiens que cet enfant ne sera gêné en rien plus tard par cette
circoncision. II pourra malgré elle être un non-juif parfait comme
toi, un bon communiste".
A ce point de son discours, le juge perdit tout son calme, et c'est donc avec
une hargne particulière qu'il lui répondit:: "Pourquoi te fais-tu
passer pour une idiote? Nous allons t'envoyer pour dix ans dans la taïga.
Là tu pourras discuter si la circoncision est préjudiciable ou
non".
En entendant cela, la vielle femme leva les yeux au ciel et déclara "Je
te suis reconnaissante, ô mon D" pour Ta bonté. Je croyais que
je n'avais plus qu'une année ou deux à vivre encore, et voilà
que ce juge me promet dix ans de plus. Que Ton Nom soit loué! Que toi
aussi, juge, tu sois remercié pour m'avoir ainsi accordé un supplément
de vie"
Tous ceux qui étaient présents à l'audience éclatèrent
de rire. Et même le juge ne put se retenir. L'avocat de la femme, qui
était excellent s'adressa alors au tribunal en déclarant: "Vous
voyez bien à qui vous avez à faire, une vieille femme à
l'esprit dérangé par le grand âge. Avez vous déjà
entendu quelqu'un de sain d'esprit déclarer qu'il est heureux d'être
condamné à dix ans de prison? N'y a-t-il pas ici la preuve la
meilleure qu'elle n'est pas responsable?" L'argument porta, et la femme ne fut
condamnée qu'à deux ans de prison avec sursis.
Extrait de "Une voix dans le silence".
De Chlomoh Zalman Sonnenfeld.
© Éditions Kedem, Israël 1991