Traduction Aharon |
L'étrange invité du Rabbi.
"Je suis un simple cocher. Parfois, mes courses
m'emmènent dans des villages reculés, où résident
peu de juifs. Il m'est arrivé de visiter des endroits où il
n'y a qu'une seule famille juive; complètement isolée de toute
communauté. Pas de minyan, pas de synagogue qui mérite ce
nom, mais ce qui m'a le plus peiné, c'est le manque de Mohel. Des
enfants peuvent rester des semaines ou des mois incirconcis jusqu'à
ce qu'un Mohel passe par là et que l'enfant devienne pleinement juif.
Je ne suis pas un érudit, je ne suis pas un responsable communautaire,
mais j'ai décidé de faire quelque chose. J'ai appris à
circoncire les enfants, et au cours de mes voyages j'ai eu de multiples
occasions de délivrer des familles de la peine de ne pas avoir de
Mohel.
Il y a quelques mois, au cours de la traversée d'un forêt,
j'ai été surpris par des cris et des pleurs venus de nulle
part. Je me suis arrêté, et je suis parti, guidé par
les pleurs, à la recherche de leur origine.
Non loin du sentier, j'ai aperçu une baraque d'où sortaient
les pleurs. Quel drame! A l'intérieur, une femme assise par terre,
en larmes, à côté d'un superbe nourrisson entouré
de chiffons. Non loin, le père de famille gisait sur un lit, à
l'agonie. Il n'était pas difficile de comprendre ce qui se passait,
mais j'ai essayé de calmer la maman, et de savoir la cause de son
malheur.
-"Nous venons d'avoir un garçon, et c'est aujourd'hui le huitième
jour. Mon mari est très souffrant et il n'a pas pu se rendre en ville
pour amener un Mohel."
J'ai tenté de la rassurer, lui expliquant que j'étais Mohel,
que j'avais mes instruments avec moi, et que et que je vais m'occuper de
tout. Pour la maman, j'étais un ange tombé du ciel pour régler
son problème, et elle parvint à se calmer.
En quelques instants, tout était prêt. Il ne manquait plus
qu'un … Sandak! Dans son état, le père était incapable
de se lever, et à plus forte raison de tenir l'enfant durant la circoncision.
Je suis sorti et revenu sur la route pour tenter de trouver un juif qui
accepterait de tenir l'enfant.
Le soleil allait se coucher et j'étais encore là en train
d'attendre mon Sandak! Quelle déception pour moi. Tout aurait pu
si bien se passer, et il ne manquait qu'un homme!
Tout d'un coup j'aperçut l'individu que je cherchais. Un homme venait
de surgir d'entre les arbres, et mon cœur se mit à palpiter. Il avait
bien une tête de juif, certes à la démarche bizarre,
mais quel juif! Une belle stature, une belle barbe qui venait encadrer une
visage fin aux yeux rayonnants.
Je courus vers lui pour lui expliquer la situation et le besoin que j'avais
de sa présence.
Il ne prit même pas la peine de s'arrêter pendant que je lui
parlai. Sans un mot, il poursuivit sa route d'un pas tranquille. Je n'allais
pas laisser passer une Mitsvah comme celle là à cause de cet
individu, et j'ai essayé de l'attraper, mais il était bien
plus costaud que moi et me jeta au loin. Je me mis à le supplier
de s'arrêter quelques instants au moins pour m'aider à accomplir
la Mitsvah de la Milah. Il s'arrêta, me fixa droit dans les yeux quelques
instants, puis acquiesça de la tête.
Au comble de ma joie, je pus circoncire l'enfant dans les dernières
minutes de la journée. Mon "invité" étant pressé,
je lui fit signe qu'il pouvait partir.
- "Qu'est ce que tu me racontes? D'accord on a fait la Brit Milah, mais
maintenant il faut faire le repas de la Brit Milah comme cela se fait chez
tous les juifs!"
Il n'avait donc pas fini de me surprendre. C'était certainement un
vagabond qui venait de trouver une bonne occasion de se remplir le ventre.
J'avais effectivement quelques provisions dans mon coche, et je les rapportai,
pour sa plus grande satisfaction. La maman avait déjà mis
une nappe blanche sur la table, et nous fîmes "netilat yadaïm"
pour commencer le repas.
"Tss! C'est un repas de Brit Milah, pourquoi le papa ne vient-il pas s'asseoir
avec nous?"
Décidément, il n'avait rien compris! Je lui montrai du doigt
la couche du père, agonisant. "Tu t'imagines vraiment qu'il va s'asseoir?"
L'invité se leva, s'approcha du père et le saisit par le bras.
"Lèves toi!".
Je n'eus pas le temps de comprendre ce qui se passait que le père
était debout devant nous complètement guéri.
Ce fut un véritable repas de fête. On a mangé dans la
même assiette de mes petites provisions, bu, chanté des louanges
à la gloire d'Eliahou l'ange de la Brit Milah. Après les actions
de grâce, nous nous séparâmes.
Ce n'est qu'après son départ que je réalisai que j'aurai
du le remercier de s'être associé à la Milah, et le
questionner sur cette surprenante guérison du père. Mais il
avait déjà disparu, de la maison, de la clairière,
et de la route. Je ne l'ai pas revu depuis, mais son visage reste gravé
à mes yeux jusqu'à aujourd'hui."
Yéra'hmiel avait terminé son étrange
histoire.
Le lendemain, Yéra'hmiel se rendit chez le Rabbi Tséma'h Tsédek,
pour un banquet. La table était remplie de succulents plats de viande,
de poisson, et autres gourmandises. Le Rabbi siégeait en bout de table
et Yéra'hmiel était assis à ses côtés. Tous
les proches du Rabbi étaient là, fort étonnés de
cette magnificence pour un jour de semaine, et de la place donnée à
Yéra'hmiel.
Lorsque la fête fut terminée et que Yéra'hmiel eut quitté
la maison, un des fils du Rabbi ne put se retenir, et il interrogea son père.
- "Un juif comme ça qui a mangé dans la même assiette qu'Avraham
Avinou, moi aussi je veux avoir le mérite de manger avec lui. C'est pour
cela que je l'ai fait venir à Loubavitch et que je l'ai invité
…
Traduit de"Mital Hachamaïm" de Mena'hem Siegelbaum.
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