Des larmes qui ont secoué les Cieux

Nous sommes le (depuis hier soir jusqu'au coucher du soleil de ce soir

Des larmes qui ont secoué les Cieux
Histoire racontée par le Mohel Raphael Abohav (1929 – 1991) de Tel Aviv.
Cette histoire, publiée par Torah Box en 2016 http://www.torah-box.com/vie-juive/cycle-vie- en hébreu.juive/brit-mila/des-larmes-qui-vont-loin_5526.html
se retrouve déjà en 2010 sur le site de Arouts 7 en hébreu
http://www.inn.co.il/Besheva/Article.aspx/9844. J'ai adapté la version française pour la rapprocher de son original hébreu.


Un jour, le téléphone sonne dans mon bureau. J’entends une voix de femme.
Allo ?
Je réponds : Chalom.
- Etes-vous le Mohel Abohav ?, me demande-t-elle.
- Oui, je réponds, c’est de la part de qui ?
- Chalom, êtes-vous disponible demain matin pour une Brit-Mila à Ramat Aviv, à 7h30 ?
- Oui, avec joie.
- Extra ! Alors, nous sommes d’accord pour demain, à l’adresse …, à 7h30 précises. Soyez à l'heure.
Cette conversation étrange s’acheva ainsi. Je pensais que notre échange avait été bref en raison de l’émotion qu’elle ressentait. J’inscrivis tous les détails et je quittai le bureau pour rentrer chez moi.
Le lendemain, juste après la prière du matin, j’arrêtai un taxi, et vingt minutes plus tard, j’arrivai à l’adresse indiquée la veille par mon interlocutrice. A ma grande surprise, ce n’était pas une salle de fête, ni même une synagogue. C’était une maison particulière dans un quartier huppé. Sur la porte, une pancarte : « Famille Golan ». Je toquai délicatement à la porte qui s’ouvrit immédiatement.
« Bonjour, je m’excuse, je dois partir immédiatement, je suis en retard », m’annonce le maître de maison qui quitta tout de suite les lieux. Sa femme m’adresse alors la parole : « Enchantée, je suis Mme Golan, mon mari est-il parti ? Je dois aussi sortir ! Ne vous inquiétez pas, la nourrice est en route, elle va arriver dans un quart d’heure environ pour vous remplacer auprès de Youvali… Et pendant ce temps, vous pourrez faire la Brit, n’est-ce pas ? »
- Youvali ?!
- Ah… oui, Youvali, c’est le bébé que vous devez circoncire.
- Vous l’avez déjà nommé ?, demandai-je d’un ton étonné.
- Oui, La vérité, c’est que nous ne voulions pas vraiment faire la Brit-Mila, nous ne sommes pas religieux, vous comprenez, nous ne sommes pas du tout attachés aux symboles religieux, mais finalement, Chagaï et moi avons décidé qu’il valait la peine de lui faire la Brit-Mila, pour ne pas qu’il ait honte devant ses copains lorsqu’il grandira…
Je comprends que Chagaï, qui était là il y a quelques minutes, est le père de l’enfant.
Je m’adresse à Mme Golan : « Il n’est pas possible d’effectuer une Brit dans ces conditions ! Qui sera le Sandak ? … Où est le père de l’enfant ?... Et qu’en est-il du quorum de dix hommes ? Désolé, ce n’est pas possible comme ça, il faut un Minyane… »
- Je m’excuse, il est très tard pour moi, je vous demande de commencer cette opération car je dois absolument quitter la maison d’ici une ou deux minutes.
Faute de mieux, j’entre dans la chambre du bébé, je dispose les ustensiles pour la circoncision sur la commode, et je regarde le nourrisson dormir. Au même moment, des larmes brûlantes coulent de mes yeux… Je suis très peiné, j’ai du mal à croire qu’un enfant juif entre de cette façon dans l’alliance d’Avraham Avinou.
Je réveillai le bébé tout doucement et le mis sur mes genoux : je fis office à la fois de Sandak, de Mohel, de père de l’enfant, et de celui qui récite les bénédictions. C’est ainsi que je circoncis Youvali. Ensuite, je m’assis avec le nouveau-né dans mes bras et pleurai comme le bébé que je n'arrivais pas à calmer.
Je pleurais sur lui, sur la tristesse de l’exil, et en particulier sur cette réalité affligeante due à la Galout : en Erets Israël, des Juifs sont très éloignés de leurs racines et de la foi sainte et pure de leurs ancêtres. Je pensais à l’enfant et je me dis : si ses parents sont comme ça, qui sait ce que deviendra cet enfant… Quelle éducation va-t-il recevoir… J’ai senti à quel point nous ne comprenons pas nos frères juifs et à quel point il nous faut les juger favorablement. Je restai assis ainsi, peiné, pendant une demi-heure, jusqu’à l’entrée soudaine de la nourrice.
Elle arriva en courant, peinant à respirer, tout en s’excusant pour le retard, et entra immédiatement dans la chambre de Youvali. Soudain, elle m’observa. Elle fut surprise de voir un homme ‘Harédi, tentant sans succès de cacher les larmes qui coulaient.
- Qui êtes-vous ?, me demanda la nourrice.
- Je suis le Mohel Abouhav, répondis-je.
- Ah, j’ai complètement oublié, Mme Golan m’a raconté que Youvali subit aujourd’hui une petite opération. Comment va-t-il ? Comment se sent-il ? Votre chèque est posé sur le buffet.
-Ça ira. Je dois partir maintenant.
Je partis sans m’attarder.
Le jour-même, je racontai à mes connaissances et à ma famille la Brit-Mila que j’avais vécue ce jour-là, mais au bout d’un certain temps, je finis par l’oublier. Et cela fait plus de trente ans que j’effectue des milliers de circoncisions à Tel-Aviv.
Treize ans s’écoulèrent depuis la Brit-Mila de Youvali…
Un jour le téléphone sonne.
Allo, vous êtes le Mohel Abouhav? Me demande une voix féminine.
Oui, en quoi puis je vous aider?
"Je suis Mme Golan, chez qui vopus avez fait une Brit Milah il y a treize ans.
Avez-vous à nouveau besoin d'un Mohel?
Non, pas vraiment, mais d'un conseil. Nous aimerions vous rencontrer.
Dès le lendemain matin, le père et la mère étaient reçus chez le Mohel.
Nous avons un grand souci, Rabbin. L'enfant que tu as circoncis est maintenant en kita Heth.
Depuis quelques mois, il ne cesse de nous répéter qu'il veut aller en Yéchivah. Nous avons parlé avec lui, son professeur a parlé avec lui, nous l'avons emmené chez un psychologue. Rien n'y a fait. Il est têtu come une mule.
Et la mère de rajouter que son fils ne veut plus manger et "fait la grève".
Nous n'avons plus le choix. Tu es le seul religieux que nous connaissons. Trouves lui une Yéchivah.
Les larmes me sont venues aux yeux.
Je me suis dit qu’apparemment, au cours de cette Brit-Mila étrange, je n’avais pas versé des larmes seul, certainement Eliyahou Hanavi avait pleuré avec moi et avec le bébé, et le Saint béni soit-Il a entendu notre prière. Béni soit celui qui entend la Téfila. Des pensées de Techouva étaient venues à l'enfant, opposées en tout au mode de vie et à l'éducation qu'il recevait.
Le Mohel s'occupa de l'enfant, le fit entrer en Yéchivah et le suivit jusqu'à ce qu'il devienne un érudit.

contacter Aharon Altabé
www.milah.fr ----- Mise à jour