Traduction Aharon

Une Brit Milah au Kazakhstan

La Brit Milah du fils du policier.

Extrait de Si’hat Hachavoua 406 (Lekh Lekha 5755)

La maison de Reb Ayzik Roth, à Dzhamboul, dans le Kazakhstan était très particulière. Elle avait une porte cachée, au fond, qui débouchait sur une épaisse forêt qui côtoyait la maison. En cette sombre époque de l’oppression communiste, une telle sortie de secours était le plus précieux des biens.
Reb Ayzik Roth avait de bonnes raisons pour habiter une maison pareille. D’une part, il était Cho’het (sacrificateur rituel) et Mohel (circonciseur) ce qui déjà était un " crime " grave. D’autre part, il hébergeait à cette époque son ami de toujours, Reb Yaacov Galinski, qui venait d’être libéré de Sibérie. Or Reb Yaacov n’avait pas de papiers, et donc n’avait pas les autorisations pour séjourner dans cette ville.
Notre histoire se passe en hiver 5703 (1943), alors que la seconde guerre mondiale faisait rage. Un soir, on frappa à la porte. Les deux hommes devinrent livides. D’expérience, ils savaient que des coups forts et décidés comme ceux là annoncent la visite des policiers du N.K.V.D., la police secrète de l’époque.
Reb Ayzik cacha dans son manteau ses couteaux de che’hitah et de Milah, et s’enfuit par la porte arrière. Reb Yaacov resta sur place, décidé à se présenter comme un visiteur de passage. Prêt à affronter le danger, le coeur battant, il ouvrit la porte.
A la barrette de grades qui ornait sa poitrine et ses épaulettes, Reb Yaacov se dit que l’homme qui se trouvait en face de lui était certainement un haut gradé. " C’est ici qu’habite celui qui coupe les enfants ? " demanda-t-il. Il n’avait pas trouvé d’autre mot en russe pour désigner un Mohel. Reb Yaacov secoua la tête comme quelqu’un qui ne comprend pas de quoi on parle. L’officier répéta la question en le fixant droit dans les yeux, et de nouveau Reb Yaacov secoua la tête. Mais l’homme n’avait pas l’air décidé à renoncer. Il pénétra dans la maison, ferma la porte derrière lui, et s’approchant de Reb Yaacov lui dit à l’oreille en Yddish : " ne me tourne pas en bourrique ! C’est bien ici qu’habite le Mohel ?... ". Il y avait quelque chose de si sincère dans sa voix, que Reb Yaacov fit un signe de tête affirmatif. Il appela Reb Ayzik Roth qui attendait un signe de lui, caché dans la forêt.
Le policier n’avait pas fini de les étonner : trois mois plus tôt, lui était né un garçon, dont sa femme, également juive, n’arrêtait pas de demander la circoncision. Il leur donna son adresse, et les pria de s’y présenter à une certaine heure le lendemain. Il ajouta que vu les circonstances, sa femme et lui seraient absents mais que tout serait prêt pour la Milah.
Le lendemain, le Mohel et son ami furent accueillis par la servante russe, seule dans la maison. Tout était effectivement prêt, et un petit papier accroché sur la couche du bébé précisait le nom hébreu à donner à l’enfant. Les deux ‘Hassidim étaient fort émus. Reb Yaacov fut le Sandak, tandis que Reb Ayzik Roth opérait. lorsqu’ils voulurent partir, la servante s’approcha : "mon maître m’a dit qu’après avoir fait ça, il faut manger ! " Apparemment il avait la notion de Séoudat Mitsvah. En cette époque de disette, ils répondirent bien volontiers par l’affirmative.
Le repas qu’elle apporta consistait en pain et une omelette de douze oeufs qu’on leur avait préparé dans une poêle neuve, car l’homme savait qu’ils ne mangeraient pas dans sa vaisselle. Lorsqu’il eurent fini de manger et de réciter les bénédictions, la servante leur apporta un sac qui contenait douze miches de pain de trois kilos chacune. A cette époque, on aurait pu acheter une maison avec toute cette quantité de pain! Emus et soulagés, ils quittèrent discrètement la maison de l’officier.
Un jour, dans la rue, Reb Yaacov rencontra le policier. Il ne put contenir sa curiosité, et l’aborda pour lui demander ce qui l’avait poussé à agir ainsi. D’abord, le policier lui raconta ce qui s’était passé après la Milah. Une fois rentré à la maison, il avait crié contre sa femme, qui avait quitté la maison et laissé le bébé tout seul, alors que les " criminels " juifs s’étaient introduits dans la maison et avaient fait ce qu’ils avaient fait. Il était allé jusqu’à porter plainte contre sa femme auprès de sa cellule communiste, et elle s’était vu retirer sa carte du parti pour trois mois...
Puis l’officier rajouta : "regarde combien il est dur actuellement d’être juif. Mais j’ai l’impression qu’un jour il sera bon d’être juif et nous en serons fiers. Peut être que ce ne sera pas de mon vivant, mais certainement du vivant de mon fils. Je veux lui donner la possibilité d’être un Juif fidèle lorsque ce temps viendra ".
La conversation entre eux continua, et Reb Yaacov parla de tout ce que lui même avait enduré. Soudain, le regard du policier s’enflamma. " Toi, le Rabbin, tu es polonais. C’est sûr qu’un jour tu vas sortir d’ici. Je t’en prie, va raconter au monde cette histoire, afin que nos frères sachent ce qui nous arrive ici ".
Reb Yaacov Galinski dévisagea avec émotion le Juif, recouvert de décorations qui était devant lui. " Je te promets, que lorsque D.ieu me donnera le mérite de sortir d’ici et de fonder une famille, je raconterai cette histoire à chacune des Brit Milah que j’aurai dans ma famille ". C’est sur ces mots que les deux hommes se séparèrent.
Reb Yaacov tient sa promesse jusqu’à ce jour. A chacune des Brit Milah de sa famille il raconte à nouveau cette histoire étonnante. Qui sait si peut être aujourd’hui en Israël il n’y a pas un ancien officier de la police secrète qui a eu le mérite de réaliser son rêve de son vivant !
Extrait de Véyikaré Chémo

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