Brit Milah: un regard 'hassidique

Nous sommes le (depuis hier soir jusqu'au coucher du soleil de ce soir

Igueret Hakodech, Chapitre 4.

Adapté de
"Igueret Hakodech", Traduction et notes de Rav Haïm Melloul. Publié au Beth Loubavitch, 2005.

De nombreux textes de la 'Hassidouth traitent de la Brit Milah: cet extrait du Tanya "Igueret Hakodech" de Rabbi Chnéour Zalman de Liady, le Torah Or sur Paracha Lekh Lékha (traduit en français par le Beth Loubavitch) , Derekh Mitsvotekha du Rabbi Tsema'h Tsedek, le discours "Achrei Tiv'har" du Rabbi de Loubavitch (également traduit en français). Ils sont d'une approche et d'une traduction difficile. J'ai repris l'excellente traduction commentée de Rav Haïm Melloul. Publiée au Beth Loubavitch, 2005.

Dans cette quatrième lettre, Rabbi Chnéour Zalman traite de la Tsédakah, non sous l'angle du don à autrui, mais en tant que réparation personnelle.



La raison pour laquelle il n'est pas donné à tout le monde d'arriver à ce niveau du Service de D.ieu[1] du fond de son cœur et de toutes ses forces intérieures est que cette qualité est chez eux en état d'exil et d'emprisonnement, et c'est là la signification de l'exil de la Chekhina (la Présence Divine), car un tel Service de D.ieu représente l'étincelle de Divinité se trouvant dans l'âme divine de l'homme.
La raison de cet exil est énoncée par l'enseignement suivant de nos Sages de mémoire bénie: "Ils furent exilés à Babel, la Présence Divine était avec eux", que l'on peut lire "ils ont exilé la Présence Divine avec eux à Babel" [2] .
Cela signifie que I'homme a introduit la dimension profonde du point de son cœur dans le choix du mal [3] , dans les vêtements répugnants des préoccupations terrestres, des attraits de ce monde, qui portent le nom de Babel [4] .
A l'image du prépuce qui recouvre l'alliance et le point profond du cœur [5] . Et, c'est à ce propos qu'il est dit: "Vous circoncirez le prépuce de vos cœurs" [6] .
Or, la circoncision est pratiquée en deux phases. Il y a la circoncision proprement dite, puis la mise à nu du gland [7] , car il y a un prépuce épais et une membrane fine [8] . Or, il en est de même pour le prépuce du cœur [9] . Il y a aussi des passions grossières et d'autres, plus fines [10] , la circoncision proprement dite, et la mise à nu de ce membre.
Et "celui qui coupe le prépuce, mais ne découvre pas le gland est considéré comme s'il n'avait pas pratiqué la circoncision" [11] , car, au final, le point profond de son cœur reste couvert d'une mince épaisseur, dans laquelle il se trouve en exil et en captivité.

Concernant l'ablation du prépuce proprement dit, il est écrit: "Vous circoncirez le prépuce de votre cœur", ce qui veut bien dire: "vous-même" [12] .
En revanche, il est difficile pour l'homme d'ôter la fine membrane et c'est donc à ce propos qu'il est dit qu'après la venue du Machia'h, "l'Eternel ton D.ieu circoncira ton cœur..., pour aimer l'Eternel ton D.ieu de tout ton cœur et de toute ton âme, afin que tu aies la vie" [13] , ce qui veut dire: "parce que D.ieu Seul est toute ta vie, réellement" [14] .

De ce fait, un tel amour émane de la dimension profonde du cœur, véritablement de son point intérieur, comme on l'a dit, au-delà de toute conscience, Daat. C'est pour cela que le Machia'h viendra quand cette conscience, "Daat", manquera à tout Israël [15] . Sa venue sera la révélation de ce point profond, dans sa dimension collective, la libération de l'exil et de la captivité pour la Chekhina, dans son ensemble, pour l'éternité et à jamais.
De même, chaque étincelle spécifique de la Chekhina se trouvant dans le Néfech (l'âme) de chaque Juif quitte l'exil et la captivité, momentanément, pendant la "vie du moment" qu'est la prière [16] , le service de D.ieu du cœur, émanant de sa dimension profonde, du point intérieur qui a été débarrassé du prépuce et qui reçoit l'élévation, s'attache à D.ieu, avec un intense désir, "afin que tu aies la vie".
Ceci dépasse aussi la conscience, Daat, de l'homme [17] , transcende sa perception et sa méditation à la grandeur de D ieu. Mais c'est à la façon d'un cadeau qui est offert par D.ieu, émanant du ciel, de l'éclairage d'un reflet de la Face divine, ainsi qu'il est dit : "l'Eternel éclairera Sa Face pour toi" [18] et comme il est écrit: "Et, l'Eternel ton D.ieu circoncira..." [19] .

Néanmoins, il faut savoir ceci. Le "réveil d'en haut" répond précisément à un "réveil d'en bas" [20] , à une élévation de l'effort d'en bas dit: "eaux féminines" [21] , conformément à l'enseignement de nos Sages de mémoire bénie, selon lequel: "Il n'est pas une goutte qui tombe du ciel..." [22] .
C'est la raison pour laquelle l'homme doit d'abord pratiquer sur lui-même cette circoncision, ôter le prépuce de son cœur, la peau épaisse et la membrane fine qui recouvrent et qui cachent le point profond de ce cœur, lequel est l'amour de D.ieu motivé par: "afin que tu aies la vie".
Ce dernier se trouve en exil parmi les plaisirs du monde, car il existe aussi une dimension de "afin que tu aies la vie", "chez celui d'en face" comme on l'a dit plus haut [23] .

Pour cela [24] , il faut donner de la Tsédakah pour D.ieu, de son propre argent, qui est sa propre vitalité. C'est en particulier le cas pour celui qui dispose de moyens réduits afin d'assurer sa subsistance, qui vit une période extrêmement difficile [25] . Un tel homme offre sa vie, à proprement parler [26] , surtout s'il gagne sa subsistance par son propre travail [27] . Inévitablement, à de multiples reprises, il s'y est consacré du plus profond de son cœur, par toute sa dimension profonde, comme le veut l'usage courant, lors de transactions commerciales ou d'actes similaires [28] .
Puis, cette fois-là, lorsqu'il distribue le fruit de son effort, le donne à D.ieu avec joie et enthousiasme, il sauve son âme de la déchéance [29] , libère le point profond de son cœur qui se trouvait en exil et en captivité dans la peau épaisse ou bien dans la membrane fine [30] .

C'est ainsi qu'il est écrit: "Plus que tout endroit gardé, préserve ton cœur" [31] , l'endroit gardé désignant ici une prison [32] . Désormais, cet homme est délivré des éléments extérieurs, grâce à cette Tsédaka [33] .
C'est aussi pour cela que le terme Priah désigne à la fois la mise à nu du membre et le remboursement d'une dette [34] , dont on est redevable, du fait de laquelle on est assujetti aux éléments extérieurs, dominant le point profond du cœur de l'homme. C'est le sens du verset : "et ses captifs, par la Tsédaka" [35] .


Notes

[1] De façon générale, cette expression désigne la prière, de laquelle il sera question dans la suite de ce chapitre. Ici, en revanche, elle reçoit une formulation plus générale, comme le contexte permet de l'établir et elle désigne la forme du service de D.ieu impliquant la dimension profonde du cœur, que Rabbi Chnéor Zalman tente d'analyser ici.

[2] Selon le traité Meguila 29a. Ainsi, les membres de la grande Assemblée instaurèrent la prière, avant l'exil, en observant que D.ieu Lui même y accompagnait les enfants d'Israël, ainsi qu'il est dit: " Je me trouve en exil".
Ils considérèrent que la prière était alors nécessaire pour obtenir Sa révélation, y compris dans une telle situation. Or, il est dit, dans le rituel de la prière, que: "c'est du fait de nos fautes que nous avons été exilés de notre terre". L'exil est donc la conséquence des mauvais agissements des Juifs, qui sont donc également à l'origine de celui de la Chekhina.

[3] "Celui d'en face". Littéralement "l'un est face à l'autre". (Kohélet 7, 14).

C'est l'expression qui désigne toujours le positionnement du mal et de l'impureté face au bien et à la sainteté. Il en résulte que tout ce qui existe dans l'environnement profane a son équivalent dans le domaine de la Sainteté. En l'occurrence, cette attitude d'investissement profond dans les préoccupations du monde a bien son pendant dans le service de D.ieu. Un homme est donc, en permanence, confronté à une alternative. Il peut investir la dimension profonde de son cœur dans le domaine de la sainteté, ou dans son pendant au sein des forces du mal, se servant ainsi du libre arbitre qui lui est accordé pour faire le mauvais choix. Dès lors, la dimension profonde du cœur est en état de captivité et elle échappe à la maîtrise de l'homme.

[4] On trouve la même affirmation, dans le chapitre 17 de la première partie du Tanya, à propos d'Edom. De fait, tous les exils forment un seul et unique processus qui commença en Egypte, Mitsraim, de la même étymologie que Métsar, l'oppression. L'essence même de l'exil est l'oppression à laquelle Israël est alors soumis.

[5] L'image de la circoncision est introduite ici pour décrire l'exil de la dimension profonde du cœur. Ainsi, tout comme le prépuce recouvre le gland et empêche de le voir, l'exil de la dimension profonde du cœur l'empêche de se révéler au sein de la personnalité. En outre, le prépuce inspire le dégoût et c'est ainsi que le Saint béni soit-Il dit à Avraham : "Tant que tu n'es pas circoncis, tu es répugnant devant Moi". De même, un cœur recouvert d'un "prépuce" moral est répugnant devant D.ieu et empêche l'homme qui le possède de Le servir profondément.

[6] Devarim 10, 16. Et, l'on verra le commentaire de Rachi , à cette référence: "ce qui bouche votre cœur et le recouvre". Cette circoncision morale a pour effet de mettre en évidence la dimension profonde du cœur, car le "prépuce" moral correspond à tout ce qui n'a pas d'existence véritable et qui ne fait que détourner le cœur de son objectif véritable.

[7] Le  Mohel déchire la fine membrane qui recouvre encore le gland, et le met à nu. C'est là la Priah.

Ce terme est à rapprocher de celui qui figure dans le verset Vaykra 5, 18, à propos de la femme Sotta: "Plaçant la femme en présence de l'Eternel, le Cohen lui découvrira (par'a) la tête". C'est donc à l'issue de cette seconde étape que le gland est totalement découvert.

[8] Ainsi, la circoncision proprement dite permet de supprimer le "prépuce épais", alors que la mise à nu du gland supprime, en outre, la "membrane fine" et, de la sorte, met en évidence l'alliance de notre père Avraham. Par la suite, le texte montrera que le "prépuce épais" est à l'origine des passions les plus grossières et la "membrane fine", de passions plus raffinées.

[9] Le cœur est également recouvert d'un "prépuce" épais et d'une "membrane" fine. Chacun peut se défaire du prépuce épais en méditant à la grandeur de D.ieu et en mettant en éveil, dans son cœur, l'amour de D.ieu qui est le fruit de cette réflexion. En revanche, il est beaucoup plus difficile de supprimer également la membrane fine recouvrant le cœur, comme le texte le montrera par la suite.

[10] Les passions grossières éprouvées dans le cœur sont toutes celles qui portent sur ce qui est superflu à l'homme et n'a d'autre but que de lui procurer du plaisir. Par contre, les passions fines sont ressenties envers ce qui, en apparence, lui est indispensable. Selon une autre interprétation, les passions grossières sont celles qui ont un objet matériel, alors que les fines sont, par exemple, la recherche des honneurs ou encore la vantardise

[11] Traité Chabbat 137b. Le Rambam, explique, dans ses lois de la circoncision, chapitre 2, au paragraphe 2 : "Comment pratiquer la circoncision ? On coupe toute la membrane recouvrant le gland, jusqu'à ce que celui-ci apparaisse. Puis, l'on coupe la fine membrane qui se trou­ve sous la peau, avec l'ongle et on la fait revenir, de part et d'autre, afin de mettre en évidence la chair du gland". Il en est donc de même dans la dimension morale. Il ne suffit pas de servir D.ieu par la partie superficielle de son cœur. Il faut encore Lui réserver sa dimension profonde.

[12] Il appartient donc à l'homme de le faire, ce qui veut dire que chacun en a les moyens. Comme on l'a vu, le moyen d'y parvenir est une profonde réflexion sur la grandeur de D.ieu, qui met en éveil un sentiment d'amour dans la dimension superficielle du cœur.

[13] Devarim 30, 6. On verra les explications du Ramban et du Baal Ha Tourim sur ce verset. En tout état de cause, la seconde phase de la circoncision dépend donc bien de D.ieu et non plus de l'homme, ce qui justifie l'affirmation de Rabbi Chnéor Zalman, au début de ce passage, selon laquelle: "le service de D.ieu du cœur, émanant de sa dimension profonde, par toute sa profondeur, n'est pas accessible à tous".

[14] Ce verset donne une justification logique à l'amour de D.ieu. Il est légitime de L'aimer, puisqu'Il est à l'origine de la vie. Pour autant, cette perception n'est pas immédiate pour l'homme, car elle émane de la dimension profonde de son cœur, qu'il n'est pas aisé de révéler. L'intervention de D.ieu est donc nécessaire pour qu'on puisse éprouver ce sentiment.

[15] Le traité Sanhédrin  97a dit que le Machia'h viendra lorsque nul ne pensera à lui. Le Tanya montre ici que ce texte ne fait pas allusion à un oubli, à proprement parler mais plutôt à ce qui dépasse totalement la perception de l'homme. En d'autres termes, nul ne peut aborder rationnellement la venue du Machia'h, car cet événement transcende la logique humaine. Ainsi, le Baal Chem Tov  enseigne que: "chaque Juif doit préparer la parcelle du Machia'h qui est liée à son âme et l'établir en lui". Rabbi Chnéor Zalman, par contre, dit ici qu'un tel résultat est obtenu quand un Juif met en évidence la dimension profonde de son âme. Pour cela, sa prière, notamment, doit dépasser toute approche rationnelle, comme le texte le montrera par la suite. On peut constater, bien souvent, que le Baal Chem Tov  fixe l'objectif à atteindre et que l'Admour Hazaken précise le moyen d'y parvenir.

[16] Le traité Chabbat 10a qualifie la prière de: "vie du moment", parce qu'elle est le moyen, pour l'homme, de demander à D.ieu la satisfaction de ses besoins du moment, par opposition à la "vie éternelle", l'étude de la Torah, qui est immuable et qui n'est pas soumise aux fluctuations du temps. Selon la pensée 'hassidique, la prière est appelée "vie du moment" également parce qu'au cours de celle-ci, l'âme divine quitte "momentanément" son exil et sa captivité, comme l'explique, notamment le chapitre 13 de la première partie du Tanya. Néanmoins, si la prière ne libère la dimension profonde du cœur que "momentanément", pendant qu'elle est prononcée. La Tsédakah, en revanche, a un effet durable. Chaque fois qu'un homme en donne, il fait, à proprement parler, un acte de libération de son âme, comme le texte le montrera par la suite.

[17] Au même titre que la venue du Machia'h. C'est alors la révélation de l'étincelle profonde de l'âme, de la présence de la Chekhina  au sein de son Néfech . C'est ce qui est obtenu quand l'âme divine est libérée de l'exil et de la captivité, pendant le moment de la prière. C'est la raison pour laquelle la nécessité de servir D.ieu s'impose à l'homme comme une évidence absolue, tout au long de la prière, puis, lorsque celle-ci s'achève, l'évidence s'estompe et l'emprise de la matière reprend le dessus.

[18] Bamidbar 6, 25. Ce verset établit clairement que D.ieu prend l'initiative de la révélation et qu'Il la réserve "pour toi", pour la personne à laquelle Il décide d'offrir ce cadeau. Un tel niveau n'est donc pas accessible à tous.

[19] "Et, l'Eternel ton D.ieu circoncira ton cœur", Devarim 30, 6. Ce verset fait référence au monde futur, qui apportera cette élévation à tous les Juifs. Néanmoins, il peut d'ores et déjà en être ainsi chez certaines personnes, à l'heure actuelle, au moins de manière passagère, en particulier durant la prière.

[20] ) D'après l'expression du Zohar , tome 2, à la page 175b. En d'autres termes, l'effort de l'homme est nécessaire également pour mettre en évidence la révélation divine, qui réalisera la seconde partie de la circoncision. Même s'il est vrai que celle-ci est à l'initiative du Tout Puissant, comme on la vu au préalable, l'homme n'est pas dispensé pour autant de l'effort.

[21] Selon l'expression du Zohar , tome 1, à la page 29b : "La terre est irriguée par les eaux du ciel, qui sont déversées sur elle. Mais, ces eaux sont "masculines", alors que les eaux inférieures sont "féminines". Les eaux "féminines" sont nourries par les eaux "masculines" et les eaux inférieures appellent les eaux supérieures".

L'éveil d'en bas, les eaux féminines et les eaux inférieures sont trois expressions décrivant l'effort des hommes, alors que la révélation céleste est introduite par les trois autres expressions, l'éveil d'en haut, les eaux masculines, les eaux supérieures. On verra, à ce sujet, la fin du chapitre 10 de la première partie du Tanya.

[22] "Il n'est pas une goutte qui tombe du ciel avant que deux gouttes se trouvant ici-bas soient remontées là haut", selon le traité Taanit 25b et le Zohar, tome 3, à la page 247b. Ainsi, tout comme la pluie s'écoule sur la terre uniquement après que les vapeurs du sol se soient élevées vers le ciel, de même, toute révélation céleste doit systématiquement être précédée par un effort consenti ici-bas. Et, même s'il peut arriver qu'un homme obtienne un bienfait de D.ieu sans contrepartie de sa part, celui-ci, bien souvent, n'est pas préparé à la recevoir et ne l'intègre donc pas profondément. De façon générale, une telle révélation conserve un caractère éphémère.

[23] Le parallélisme entre le domaine de la Sainteté et les forces du mal fait que, tout comme l'homme tire sa vie du premier, il doit avoir l'impression de vivre également par les secondes. C'est ce qui conduit l'homme à s'investir pleinement dans la satisfaction de ses désirs, à en faire tout le but de son existence. Comme on peut le constater, un tel homme a l'impression d'exister réellement et de se réaliser dans sa vie.

[24] Pour se défaire du "prépuce" moral qui a été défini au préalable. C'est ici que Rabbi Chnéor Zalman introduit l'importance de laTsédakah . Tout ce qui a été expliqué au préalable n'est donc qu'une introduction, destinée à montrer l'élévation à laquelle peut prétendre l'homme qui apporte sa contribution à la Tsédakah .

[25] Rabbi Chnéor Zalman s'adresse à des personnes qui, pour la plupart, n'étaient pas riches et, parfois même, avaient des moyens très limités. Il leur explique donc ici que la Tsédakah  n'est pas uniquement un moyen de venir en aide à son prochain. Elle a, en outre, une dimension beaucoup plus profonde et, de fait, par ce qu'elle accomplit au sein de la personnalité, elle est plus importante pour celui qui la donne que pour celui qui la reçoit.

[26] Comme l'expliquait le chapitre 37 de la première partie du Tanya. Un tel homme doit se priver et ne pas satisfaire certains besoins pour être en mesure de donner de la Tsédakah . Sa contribution est donc, selon l'expression de l'Admour Hazaken, "ce qui lui aurait permis d'acquérir la vitalité de son âme". C'est l'importance de ce sacrifice qui fait toute la valeur de cette Mitsvah .

[27] En pareil cas, il a véritablement gagné l'argent dont il dispose. Celui ci ne lui a pas été offert par d'autres personnes. Si, malgré cela, il consent à le donner à la Tsédaka, il accomplit un sacrifice plus important et l' élévation qu'il en tire est d'autant plus considérable.

[28] Inévitablement, à un moment ou à un autre, un homme se passionne pour ce qu'il fait. Si celui qui travaille pour gagner sa vie éprouve une telle passion, il aura placé son enthousiasme dans ce que le début de cette lettre appelait: "les préoccupations du monde". Puis, par la suite, lorsqu'il consacre l'argent gagné de cette façon, non pas à la satisfaction de ses besoins personnels, mais à la Tsédaka, il établit, de manière rétroactive, que son travail était bien un acte du service de D.ieu.

[29] Selon les termes du verset Job 33, 28 : "D.ieu a dispensé mon âme de descendre dans la fosse". Ce terme désigne ici le Guéhénom , qui expie aussi le débordement d'enthousiasme pour les attraits du monde. En l'occurrence, le fait de contribuer à la Tsédakah  atteste qu'un tel débordement ne s'est pas produit.

[30] Consacrer à la Tsédakah , avec enthousiasme, l'argent que l'on a acquis en s'investissant pleinement dans les activités du monde, permet de racheter la passion que l'on a éprouvée en le faisant et qui n'a donc pas été investie dans le service de D.ieu. C'est précisément cet enthousiasme qui permet à l'homme dans le besoin de contribuer, néanmoins, avec largesse, bien plus de ne pas même ressentir ses propres besoins au moment de ce don. En effet, même s'il appartient à D.ieu de supprimer le "prépuce" du cœur, un homme doit, comme on l'a vu, introduire son propre effort, se délivrer des passions en lesquelles il concentrait sa vitalité, au préalable.

[31] "car de lui jaillissent des flots de vie", selon le verset Michlé 4, 23. Une attention particulière est donc nécessaire, de la part de l'homme, pour vérifier que ces "flots de vie" jaillissent effectivement dans la bonne direction.

[32] Ainsi, commentant le verset Béréchit 42, 17 : "Il les plaça dans un endroit gardé pendant trois jours", Rachi  dit: "en prison". En outre, le verset Béréchit 40, 3 dit clairement: "il les mis aux arrêts dans la maison du chef des gardes, là où Yossef était captif". En ce sens, l'interprétation qui doit être faite du verset cité par le texte est la suivante: "Préserve ton cœur de l'exil et de l'emprisonnement au sein des forces du mal et des attraits de ce monde". Il appartient donc à l'homme de faire en sorte que son cœur ne soit pas une prison, en permettant à sa dimension profonde de s'exprimer en permanence.

[33] Rabbi Chnéor Zalman présente ici la Tsédaka, non pas comme un acte ,de solidarité, une contribution à la peine de l'autre, mais bien comme un acte de libération, qui est effectué par l'homme dans le but de se délivrer de l'emprise que l'égoïsme exerce sur sa personnalité.

[34] Comme, par exemple, dans le traité Baba Batra 174a : "Prêtez-lui et je rembourserai". On verra aussi les Tikouneï Zohar, au Tikoun 37 et à la fin du Tikoun 24. Il en résulte que la révélation de la dimension profonde du cœur n'est pas une option, laissée au libre choix de celui qui désire atteindre Un stade plus parfait du service de D.ieu. Elle est, bien au contraire, un dû envers le domaine de la sainteté et c'est donc pour s'acquitter de cette obligation que chacun a le devoir de contribuer largement à la Tsédakah.

[35] "Tsion sera racheté par la justice, et ses captifs par la Tsédakah" En effet, Chaveiah, "ses captifs", peut aussi se traduire: "ceux qui retournent". En ce sens, la Tsédakah permet bien le "retour" de l'âme de son exil et de sa captivité, la réintégration de sa place naturelle, qu'elle n'aurait jamais dû quitter.


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