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Maamar « Achrei tiv’har
outekarev » (26 ‘Hechvan 5716)
Kountrass 18 Nissan 5751
Séfer Hamaamarim Meloukat, vol 5, p 231.
Traduction du Beth Loubavitch
1 « Achréi
tiv’har outekarev, ychkon ‘hatserékha, nisbéa betouv
beitekha kedoch heikhalékha » 12.
« Heureux celui que Tu choisis et rapproches de Toi, qu’il demeure
dans Tes parvis, se rassasie du meilleur de Ta maison, de la Sainteté
de Ton palais ».
Ce verset est dit avant la Brit Milah, comme le rapporte le Sidour 13. L’origine
de cet usage est mentionnée par le Zohar : « les ‘Hassidim
d’autrefois (...) lorsqu’ils apportaient leur enfant pour ce «
sacrifice » disaient « Achréi tiv’har outekarev, ychkon
‘hatserékha ... ». (Et bien que le Zohar mentionne ceci comme
un usage des ‘Hassidim d’antan, le Admour Hazaken l’a fait
figurer dans son Sidour qui s’adresse à tous) 14.
Pour comprendre le rapport de ce verset à la Brit Milah, il faut noter
que ce verset traite de quatre éléments : les parvis, dont le
pluriel reflète deux types de cours, la maison et le palais. La progression
de ces éléments se fait du bas vers le haut, comme le note le
Zohar : « d’abord les cours, puis la maison, puis le palais, l’un
plus en dedans que l’autre, l’un plus élevé que l’autre
».
Ces quatre éléments reflètent les quatre mondes de Atsilout
15, Bériah 16, Yétsirah 17 et Assiah 18, comme nous le verrons
au chapitre 6. C’est pourquoi ce verset est lu avant la Brit Milah, car
la Milah réalise un dévoilement plus haut que celui réalisé
par Hichtalchelout 19, l’enchaînement des mondes. Or pour se concrétiser,
il faut au préalable que l’ordre des révélations
successives de Hichtalchelout se soit réalisé dans sa perfection.
2 Dans son acception commune, la différence entre la cour et la maison
est que la maison est la résidence de l’homme, tandis que la cour
est la place du bétail et de la volaille, comme le dit la Michnah : «
celui qui met son bétail dans la cour (...) et une cage pour les oiseaux...
». Dans la cour même, deux parties : celle qui porte un toit, la
volière, et la cour non couverte. Cette distinction a une incidence dans
la Halakha, puisque une cour non couverte qui ferait plus de deux séah
20 de surface est selon la Torah un domaine privé 21 en regard des lois
de Chabbath, mais les Sages lui ont donné le statut de domaine karmélite
car il ressemble déjà au domaine public. Tandis que la volière
est un domaine privé, même de l’avis des Sages. En pratique,
la différence est que le bétail se garde dans une cour non couverte,
pourvu qu’elle soit close, tandis que la volaille (qui pourrait s’échapper
de l’enclos) est gardée dans un volière couverte.
Ceci est à mettre en relation avec un enseignement de la Guemara : «
le bétail qui fut créé à partir de la terre ferme
devient permis par la section de deux organes 22, l’oiseau qui fut créé
à partir de la boue ne nécessite qu’un seul organe ».
On explique ailleurs que « l’animal qui fut créé à
partir de la terre » -ce qui justifie sa nature forte et résistante-
fait allusion à l’âme animale de l’homme, dans toute
sa vigueur et sa matérialité. C’est pourquoi il ne peut
être maîtrisé que par la section de deux organes. L’oiseau,
créé à partir de la boue, terre et eau, évoque l’âme
animale dans sa fragilité, et dont le contrôle se fait par section
d’un seul organe.
Plus en détail encore, l’animal c’est l’âme animale
proprement dite, qui a son origine dans les niveaux les plus matériels
de Nogah 23, alors que l’oiseau c’est le côté intellectuel
de l’âme animale, et cette âme intellectuelle 24 vit des niveaux
les plus raffinés de Nogah, ce qui en fait l’intermédiaire
entre l’âme animale 25 et l’âme divine 26.
C’est la raison pour laquelle l’oiseau peut s’élever
en l’air. Cette faculté de voler s’explique de deux façons
: soit cela provient de la nature même de l’âme intellectuelle,
qui est d’être attirée vers ce qui est plus haut, soit c’est
le fait que l’âme divine s’investit dans l’âme
intellectuelle et lui donne la possibilité de saisir (passivement) des
sujets divins plus élevés que le monde, tout en restant ce qu’elle
est, un intellect humain limité.
Si la garde du bétail se fait dans un enclos non couvert et que la volaille
se garde dans une volière fermée par le dessus, bien que l’oiseau
représente un niveau plus raffiné de l’esprit humain, c’est
parce que la finesse de Nogah n’est pas si perceptible, et c’est
pourquoi elle implique une garde renforcée. De même que matériellement
la garde des oiseaux nécessite une protection par en haut pour qu’ils
ne s’envolent pas par dessus les clôtures, ainsi spirituellement
l’âme intellectuelle doit être gardée pour ne pas s’envoler
: c’est parce qu’elle est attirée par ce qui est plus haut
qu’elle, et qu’elle arrive même à percevoir la nature
divine du monde par son voisinage avec l’âme divine, qu’elle
a besoin de ressentir à quel point elle est malgré tout éloignée
et séparée de la chose divine. L’esprit humain a beau saisir
la notion divine, il n’en saisit pas la réalité, car s’agissant
de la divinité, il ne peut imager qu’une vision rétrécie
de ce qui est de fait infini. C’est précisément lorsque
l’esprit prend mesure de cette séparation (la toiture) qu’il
peut mettre au pas la fine couche de mal qui se trouve en lui (la garde des
oiseaux).
3 C’est par ceci que l’on peut comprendre pourquoi c’est par
décision rabbinique que le statut de « karmélite »
a été donné à une cour non protégée
du haut. « Garder l’animal » dans le travail de l’homme,
c’est essentiellement surveiller pensées, paroles et actes 27,
qui sont particulièrement vulnérables aux tentations de l’âme
animale. Pour contenir un animal, il lui faut ériger autour de lui des
barrières, pour qu’il fasse non pas ce qu’il veut, mais ce
qu’il doit faire. La garde des oiseaux, dans le travail de l’individu,
concerne les fins niveaux de Nogah, comme nous l’avons vu, et cela se
joue au niveau des forces profondes, l’intellect et les pulsions. Et il
ne suffit pas ici d’ériger une clôture alentour : même
lorsque pensées, paroles et actes sont contrôlés, au point
qu’il peut accéder au titre de « Béinoni » 28
qui n’a jamais fauté, il persiste en lui, dans son intellect et
ses élans du coeur un sentiment de sa propre existence, une personnalité
non dégrossie, que seule peut mettre au pas une barrière par en
haut, la perception de ses limites devant la chose divine.
Mais comme l’essentiel se situe dans l’action, cette cour non couverte
a cependant le statut de domaine privé vis à vis des exigences
minimales de la Torah 29. Seuls les Sages, dont le but est de réhausser
l’homme et de faire de nous un réceptacle apte au Service Divin,
nous mettent en garde contre un travail incomplet tant qu’il n’a
pas travaillé sur les forces profondes de l’intellect et des élans
du coeur. C’est pourquoi ils considèrent que tant qu’une
protection n’a pas été établie par le haut, l’homme
n’a pas atteint la qualité d’être dans le domaine de
l’Unique.
4 On vient de voir que l’intellect de l’homme est d’un niveau
de yech 30, et plus encore de klipat Nogah 31. Il se trouve que même lorsque
l’intellect perçoit son éloignement de la Divinité,
(par le fait que la compréhension qu’il en a n’est qu’une
approximation grossière et limitée, et qu’il ne peut saisir
la chose dans son essence véritable), alors même que ceci l’amène
au Bitoul (annulation, soumission), cette annulation n’a pas de commune
mesure avec l’annulation qui se produit au niveau de l’âme
divine. La soumission engendrée par le travail de l’âme divine
est en effet une annulation même de l’existence, alors qu’au
niveau de l’intellect, ce n’est qu’un état surajouté
à la perception de son « yech », son existence. C’est
bien pourquoi une cour, même toiturée est l’endroit des animaux
(volaille) et non de l’homme, car l’homme -Adam-(dont la valeur
numérique est « Mah » -45-) évoque l’annulation
totale qui se produit dans l’âme divine, au point qu’Adam
tire son nom de « Adamé laElion » (je ressemblerai à
l’Etre Suprême), alors que l’annulation de l’âme
animale et de l’intellect n’atteint que le niveau de « ’hay
», inférieur à Adam.
Il y a de fait deux niveaux dans l’annulation de l’âme divine.
En effet, pour que l’âme divine puisse être efficiente sur
l’âme intellectuelle et l’âme animale, il faut une adéquation
entre ses attributs de réflexion et d’émotion (Sekhel et
Midoth) et ceux de l’âme animale, au point que les premiers puissent
« s’habiller » dans ces derniers. Deux aspects se dégagent
donc des qualités intellectuelles et émotionnelles de l’âme
divine : telles qu’elles sont réellement, et telles qu’elles
se trouvent investies dans l’âme intellectuelle et l’âme
animale. Il est expliqué par ailleurs que la force qu’a l’âme
divine pour affiner l’âme animale tient à ce que l’âme
divine est en elle même d’essence divine. On peut expliquer que
pour l’intellect et les Midoth de l’âme divine tels qu’ils
sont habillés dans l’âme animale, il y a deux aspects : apparemment
ils sont pesés et mesurés, et leur annulation les assimile à
l’annulation du « yech », mais plus profondément ils
sont d’essence divine, et ils atteignent dans leur annulation le véritable
niveau d’annulation de leur existence.
5 On doit remarquer que ces quatre sujets, les deux cours en tant que travail
sur l’âme animale et l’âme intellectuelle, et ces deux
aspects de l’âme divine dans sa situation dévoilée
et dans sa réalité, sont à l’image des quatre mondes
de Atsilout, Bériah, Yétsirah et Assiah. Assiah et Yétsirah
sont une existence, Bériah une possibilité d’existence,
et Atsilout une négation annulation de l’existence. Parmi les différences
que l’on trouvera entre Assiah et Yétsirah (l’existence)
et Bériah (la possibilité d’existence), c’est que
la soumission dans ce premier niveau est une annulation du Yéch (et l’on
a vu que Assiah et Yétsirah sont des existants, et qu’à
ce niveau l’annulation n’est qu’un état surajouté
à l’existence), tandis que la soumission dans Bériah (le
domaine de la possibilité de l’existence) est une annulation même
de l’existence, c’est à dire que toute son existence est
une annulation.
C’est pourquoi Yétsirah est la résidence des anges qui servent
D.ieu par une crainte et un amour inhérents à leur nature, tandis
que Bériah est la résidence des Tsadikim dont le travail fut effectué
avec une crainte et un amour développés par leur réflexion.
De même, ceux des anges dont le service divin est fruit d’une réflexion
ont leur résidence dans Bériah. Car la crainte et l’amour
naturels sont le propre de l’homme créé, tandis que la crainte
et l’amour intellectuels ne sont pas une expression spontanée,
mais le fruit d’une réflexion sur la Divinité qui implique
qu’il faut aimer et craindre D.ieu.
Toutefois dans Bériah il y a une réflexion, et c’est elle
qui implique que par rapport à D.ieu rien n’a de place. Ce Bitoul
même est un existant, et le vrai Bitoul de l’existence ne saurait
être que dans la sphère de Atsilout, où l’annulation
n’est pas le fruit d’une réflexion, mais le fait de la Divinité,
car à ce niveau rien n’existe sinon Lui et nul autre. C’est
pourquoi il n’y a pas de place pour les anges dans Atsilout, pas même
des anges dont le seul travail serait l’intellect. Atsilout est le domaine
des grands Tsadikim qui furent « une monture » 32 au delà
de toute intervention intellectuelle, et c’est là le « Bitoul
bimetsiout ». Et bien que en Atsilout il y ait dix niveaux, Sekhel et
Midoth 33, ces niveaux ne sont pas des existences séparées, car
« Lui et Sa Vitalité ne font qu’Un, Lui et Ses émanations
ne font qu’Un ».
Et c’est en ceci que les quatre niveaux de l’effort de l’homme
sont comparables à ces quatre mondes. Le travail d’annulation de
soi qui est effectué au niveau des âmes animale et intellectuelle,
et qui est de fait un état supplémentaire, ressemble à
ce qui est effectué dans les mondes de Assiah et Yétsirah. C’est
pourquoi les cours ont besoin d’être closes, car les mondes de Assiah
et Yétsirah sont « existants » et ce qui en découle
a besoin d’une protection : un enclos pour ce qui est produit par Assiah,
le monde du passage à l’acte, du concret, et une protection par
le dessus pour ce qui est engendré par le monde de Yétsirah, les
attributs émotionnels. La descente de l’intellect et des attributs
émotionnels de l’âme divine dans l’âme animale,
et dont la soumission n’est pas un état supplémentaire mais
une soumission de l’existence, représente le Bitoul effectué
dans le monde de Bériah, et l’annulation de l’âme divine
elle même, y compris dans ses implications dans l’âme animale,
représente le Bitoul dans le monde de Atsilout.
6 C’est le sens que veut donner le Zohar : « d’abord les cours,
puis la maison, puis le palais ». D’abord les cours (au pluriel,
pour évoquer deux types de cours : l’enclos et la volière),
c’est le tri 34 et l’affinement de l’âme animale et
de l’âme intellectuelle, qui gardent même après tout
ce travail leur essence animale. Ensuite la maison, c’est la révélation
de l’âme divine telle qu’elle s’investit dans l’âme
intellectuelle et animale, et dont l’annulation est à l’exemple
du Bitoul qui se fait en Bériah. Cet état est appelé maison,
car la maison est la place de l’homme, comme il est dit « c’est
l’orgueil de l’homme d’être dans sa maison »,
tout comme le monde de Bériah, où se trouve le Trône Divin,
est l’emplacement de l’Homme d’en Haut 35. Et l’essentiel
de la réalisation de l’Homme d’en Haut auprès des
créatures c’est lorsque leur Bitoul s’opère jusque
dans leur existence. Puis le palais, qui représente un dévoilement
de l’âme plus haut que sa réalisation dans l’âme
animale (y compris les niveaux les plus intérieurs de l’âme
divine tels qu’ils sont effectivement dans l’âme animale).
Le niveau d’annulation qui s’y opère est une annulation de
l’existence même, du type de ce qui se réalise dans la sphère
de Atsilout. Ce niveau est désigné par le terme de palais du fait
du verset « et D.ieu est dans son palais, que se taise devant Lui toute
créature 36 ». A un niveau où l’on entrevoit D.ieu
en son palais il ne peut y avoir que silence et annulation de soi au point qu’il
n’y ait plus place pour « soi ».
7 Et c’est la raison pour laquelle on dit avant la Brit Milah «
Achréi tiv’har outekarev, ychkon ‘hatserékha, nisbéa
betouv beitekha kedoch heikhalékha - Heureux celui que Tu choisis et
que Tu rapproches de Toi, qu’il demeure dans Tes parvis, se rassasie du
meilleur de Ta maison, de la Sainteté de Ton palais ». Les quatre
mondes de Atsilout, Bériah, Yétsirah et Assiah sont partie de
l’enchaînement des mondes, alors que la Brit Milah est au delà
de l’enchaînement des mondes. C’est ce que souligne un commentaire
de nos Sages, à propos du Psaume 12 « Lamenatséa’h
al Hacheminit - Cantique pour la huitième : pour la Milah qui fut donnée
pour le huitième jour ». C’est toujours en commentant ce
verset que le Admour Hazaken dit dans Likoutéi Torah que ce Psaume de
David loue la Brit Milah en ce qu’elle fut destinée pour le huitième
jour parce que le huit désigne « Adam Kadmon » 37 qui est
un niveau au delà de Atsilout.
On pourrait rajouter que la Milah est non seulement plus élevée
que les quatre mondes de Atsilout, Bériah, Yétsirah et Assiah,
mais aussi plus élevée que le nom « Havayah » dont
dérivent ces quatre mondes. Comme ceci est noté dans Torah Or
à propos du passage « MY YaaléH LanoU HachamaïmaH »
38 : les initiales de ces mots sont M-Y-L-aH, la circoncision, et les finales
forment Y-H-Vav-H le Tétragramme. Et si Milah est en initiales et le
Nom de D.ieu en finales, c’est que la Milah est un sujet plus élevé
que le Nom de D.ieu.
Mais pour que la Milah puisse effectivement réaliser et révéler
dans le monde un sujet au delà de l’ordre de l’enchaînement
des mondes, il faut tout d’abord que cet enchaînement des mondes
se déroule dans sa plénitude. Conformément à l’enseignement
de nos Sages : « (pourquoi la Milah se fait elle au huitième jour
? :) pour qu’il voie au préalable un Chabbath ». La semaine
et son apothéose dans le Chabbath représentent l’accomplissement
parfait de l’ordre de Hichtalchelout, et c’est uniquement après
être passé par cet ordre des choses que l’on peut s’élever
au dessus et parvenir à une révélation plus haute que celle
qui est soumise à l’enchaînement des mondes, et c’est
là la place de la Milah au huitième jour.
C’est le sens de l’ordre donné à Avraham : «
marche devant moi et sois intègre - VéHéYéH tamim
». Il faut d’abord qu’il y ait VéHéYéH,
lettres de HaVaYaH le Tétragramme, et c’est seulement après
qu’on accède à l’intégrité, la révélation
qui est au delà de la Milah.
C’est pourquoi nous disons avant toute Brit Milah « Achréi
tiv’har outekarev, ychkon ‘hatserékha, nisbéa betouv
beitekha kedoch heikhalékha - Heureux celui que Tu choisis, qu’il
demeure dans Tes parvis, se rassasie du meilleur de Ta maison, de la Sainteté
de Ton palais », et déjà la veille de la Brit Milah nous
étudions un passage du Zohar qui commente ce verset, car le travail que
fait l’homme sur ces quatre sujets, qui sont en rapport avec les quatre
mondes et avec les quatre lettres du Nom de D.ieu, est une préparation
à recevoir la révélation d’une dimension au delà
de celle de l’enchaînement des mondes.
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